Chère amie,
C’est à toi que je m’adresse et mon discours n’intéressera que ceux et celles qui, comme nous, ont à composer avec des questions de traitements, médication et douleurs. Pour les autres, mes verbiages désolants, inutiles, répétitifs mêmes, n’auront pas d’intérêt. Je propose qu’ils passent directement au second chapitre intitulé : LA VIE PENDANT LE CHAPITRE 1.
Chapitre 1 : Traitement, médication et douleurs (pour experts seulement)
Mon amie, je te comprends quand tu parles de l’effet de yoyo. Les marqueurs montent et notre cœur se gonfle, les marqueurs baissent et on s’enlise. Moi, je suis surtout fatiguée d’entendre : « Est-ce pire ou mieux que la dernière fois ? Te sens-tu PLUS fatiguée ou pareille ? Penses-tu que c’est ton médicament qui te fait ça ou bien c’est que tu n’as pas bien dormi ? C’est la chimio? »
JE NE SAIS PLUS, JE NE SAIS PAS. Je me rappelle pas, je ne sais même plus quel jour on est !!! Je ne me mettrai pas à tenir un journal de bord de mes petits bobos et à les chiffrer sur une échelle de 0 à 10 comme on me demandait de le faire à Notre-Dame. J’écrivais d’ailleurs à peu près n’importe quoi, car de fait, je ne me rappelais pas.
C'est quoi la différence entre avoir mal 6/10 ou 7/10 ? Et entre 2/10 et 3/10 ? Moi, me semble que c'était souvent à 5,6783 / 10 !
Sérieusement, je suis désolée d’apprendre que le Gemzar s’est replié. Que te proposeront-ils ? Je sais qu’il me reste quelques options après le Taxol hebdomadaire (que désormais le CCCL a inclut dans ses protocoles-« ovaires »), soit le Topotécan, le Gemzar et… d’ici ce temps-là, sait-on jamais, auront-ils progressé dans une solution miracle, une technique de méditation dans un enveloppement de boue de thé vert, en aspirant des vapeurs de cari et curcuma fumés bio! Pourquoi pas ? On m’a dit qu’ils étaient à mettre à jour leurs protocoles de traitement.
Tu ne tenais pas à ce protocole de traitements journaliers. Du peu que j’en sais, il semble que ce soit 5 jours de suite à toutes les 3 ou 4 semaines. Et que chacun des traitements ne dure pas longtemps, quelque chose comme une heure. C’est peut-être moins pire que ça en a l’air ? As-tu ramassé tous les détails de ce protocole ? Quand j’ai appris que je recevrais des traitements à chaque semaine, j’étais terrorisée ! Et maintenant, je me rends compte que ça n’est pas aussi difficile que je l’avais imaginé. Surtout qu’ils se donnent à Cité de la Santé, à environ quinze minutes de voiture de la maison.
Je sais surtout l’effet psychologique de ces changements de traitement, des changements de fréquences, du fait qu’elles soient de plus en plus rapprochées et des impacts sur l’ensemble du corps et du cœur, ce qui nous ramène à l’inévitable question : jusqu’où on veut aller mais surtout, jusqu’où on PEUT aller ?
C'est un chemin à parcourir seul(e) bien souvent. Comme d'ailleurs celui-là entrepris il y a trois ans. Entourées, mais pourtant seules. Mais ça, sera l'objet d'un autre message.
Tu as raison, le Décadron rend fébrile, d’ailleurs c’est son travail. Autrement, on ne passerait pas à travers le poison. Quand je pense au Décadron, c’est fou comme j’ai HÂTE d’aller à mon traitement, car je sais que ce jour-là, je me sentirai bien, ainsi que le suivant, grâce, justement, à cette cortisone qui me maintient à flot. C’est qu’ils y vont à fond sur le volume ! Je veux ma drogue, je veux ma drogue ! Le Décatron est merveilleux, mais à la longue, et même assez vite, selon Dr Turcot, on peut se retrouver clouée au lit parce qu’il affaiblit les muscles des jambes (je ne te parle même pas de l’impact sur les os), alors il me faut réduire la dose au minimum nécessaire. Pas simple d’arriver aux justes doses ! Ça aussi c’est un « job » à temps plein que de gérer les pilules. D’être à l’écoute de mon corps, ça n’a jamais été mon fort. D’ailleurs, c’est sans doute ce qui m’a mis dans cet état, partiellement du moins. Je n’étais pas très à l’écoute de mes petits bobos, un peu négligente. Je viens d’une famille où on ne se plaignait pas pour un rien. Les cliniques, les hôpitaux, les docteurs et les médicaments, c’était des notions à peu près abstraites chez nous, sauf pour la maternité.
Bon, aussi, je suis un peu perdue dans ma tête. Les dates, les jours, les événements, j’ai parfois l’impression de gérer le cerveau d’une femme de 88 ans. J’oublie des tas de trucs. Ai-je fait ceci ? Ou non ? Pour mes médicaments d’ailleurs, j’étais si perdue là-dedans que j’ai demandé à ma pharmacienne de me faire des dosettes. Je ne savais plus où j’en étais et j’oubliais des doses, j’avais peur d’en prendre deux fois, etc. Je n’arrivais jamais au bon compte à la fin du mois. Maintenant, c’est mieux. Un stress de moins.
J’aime beaucoup Dr Turcot, ma nouvelle oncologue de Cité de la Santé. Et j’aime bien toutes les infirmières qui se sont occupées de moi jusqu’à présent.
Tu me demandes l’heure et le jour de mon traitement prochain ? D’abord, la prise de sang est à 11h45 le mardi. Ma chimio, le mercredi est à 14 heures. Je devrais y rester jusqu’à au moins 16 heures.
Moi non plus, je ne sais pas encore si mon traitement fonctionne. Mon CA125, pris dernièrement à la Cité, ne peut être comparé semble-t-il à celui pris précédemment par Notre-Dame, en raison d’une différence dans la manière de le calculer ou dans l’appareil qui le calcule, entécas. Sinon, je te dirais qu’il n’y a pas d’amélioration. Un récent rayon-x des poumons montre toujours un peu de liquide dans la plèvre du poumon, ce qui explique que je tousse. Mais aussi, j’ai eu un rhume qui me faisait tousser et cracher, alors … pour le moment, tant que j’arrive à dormir sur le dos sans douleur, on attend. Sinon, Dr Turcot me suggèrera une petite ponction supposément sans danger qui va soulager.
On fera d’autres CA125. Le plus important demeure : comment je me sens.
Malgré les tests, malgré les résultats.
Chapitre 2 : La vie pendant le chapitre 1
A part ça, il y a la vie qui continue autour de moi. Et même avec moi, encore parfois. J’ai eu plusieurs bonnes journées la semaine passée (ELLE SE PIQUE AU DÉCADRON, MA FOI!) où je suis allé magasiner pour la garde-robe d’été de ma fille. Je lui ai fait de belles surprises, elle était contente. Moi aussi. Cela met de la joie dans mon cœur et j’oublie tout. Dimanche dernier, elle est même venue passer un après-midi avec moi au centre d’achats Rosemère. Nous avons magasiné entre filles. Quelle belle journée elle m’a fait passer. J’avais l’impression d’être avec une petite adolescente, mature, patiente, généreuse.
J’ai aussi fait un gros effort pour l’amener à son nouveau cours de karaté qui se donne beaucoup plus tôt que le précédent, soit à 8h30 a.m. (c’est un peu tôt quand la dose d’Ativan n’est pas toute éliminée) ; elle tenait à ce que j’y aille car elle a « monté de grade » (ceinture jaune) et devait se joindre au groupe des jeunes ados. Elle était un peu anxieuse à l’idée de se joindre à un groupe de plus vieux dont certains sont même « ceinture orange ». En définitive, tout s’est bien passé, elle a adoré son nouveau groupe et y a reconnu d’anciens élèves de son groupe précédent.
Au cours du weekend, j'ai fait un "sleep-over" dans la chambre de ma fille, comme une bonne copine qui vient papoter des affaires de filles, des secrets, des confidences... elle a adoré notre soirée spéciale qui s'est terminée vers 10 heures !
Ah ! Florence ! C'est mon Décatron de rechange ! Que de choses à me raconter au retour de l'école. Vite, se met aux devoirs. Vite vite, une collation. Et vite, vite, vite, les amis. C'est la vie pendant le chapitre 1.
Mon mari qui peinture le salon. Il en avait grand besoin (de s'activer, mon mari et de se rafraîchir, mon salon). C'est la vie pendant le chapitre 1.
Mes parents, qui n’étaient pas très bien cet hiver (ma mère a un cancer sur le seul rein qui lui reste, inopérable—et refuse l’ablation à cause de la dialyse obligée), vont beaucoup mieux maintenant que le beau temps est arrivé. Mon père (arthrose et arthrite?) me dit qu’il arrive à dormir dans son lit plus de 4 ou 5 heures d’affilée et qu’il s’abandonne ensuite à son fauteuil inclinable pour les heures restantes. Il ne se plaint pas, il a trouvé une solution qui lui convient. Il a récemment sorti son vélo et fait de courtes randonnées dans son quartier à chaque matin. Maman a recommencé à fréquenter les centres d’achats et accepte les invitations au restaurant de mon père, signes incontestables qu’elle va bien, ou mieux. Bien sûr, elle a perdu beaucoup de poids dans la dernière année, de xxxlivres (censuré), il n’en reste que 100. Mais mon père la taquine, lui expliquant qu’ainsi il pourra la transporter dans ses bras comme au temps de leurs fréquentations… Et moi, je l’encourage à se faire une nouvelle garde-robe de jeune femme.
J’ai enfin vendu mes parts que je détenais encore dans l’entreprise où je travaillais. Cela me rassure car ce capital, bien soigné, permettra plus aisément à mon mari de s’occuper de moi et de Florence à temps plein. Déjà, je me suis délestée de beaucoup de tâches. Je continue de superviser, mais à distance, comme un chef qui ne se salit pas les doigts. Je gère mes énergies. Je priorise.
C'est aussi ça la vie.
Ma belle-sœur Sylvie (chanteuse, comédienne, compositeur-interprète et j'en passe, mais connue surtout pour la petite SHILVI qu'elle personnifie depuis quelques années) a fait chanter ma fille sur son dernier album : Les Zédemis. Florence n’était pas peu fière. Mais maintenant, elle souhaite faire un nouvel album, complètement différent, et m'a demandé de composer quelques chansons. Au début j’ai dit non, car je n’avais jamais fait ça. J’ai bien fait de la poésie, des comptines, des contes, des nouvelles, etc., mais des chansons ! Sur commande, en plus !!!??? J’ai mis deux mois à me décider. Je viens de lui pondre deux affaires. Je pense qu’elle était contente. Je vais donc essayer encore quelques textes pour voir. Je ne tiens pas à dévoiler ce qu’elle compte faire. Mais son concept est assez défini, elle a un thème bien précis en tête. Tant mieux, parce que dans la mienne, c’est surtout la pagaille.
Bon, je ne sais pas si le temps d’aujourd’hui va m’inspirer pour les chansons souhaitées !!! Heureusement qu’il y a l’Internet, ça nous transporte partout : jungles, plaines, savanes, zoos, musés, Paris, Londre, Vienne, Everest, Hymalaya, Las Vegas !!
Tiens, ça me fait beaucoup de vies maintenant pendant mon chapitre 1.
Alors j’espère que je ne t’ai pas trop épuisée. Je voulais surtout te changer les idées.
Si ça ne t’ennuie pas, je crois que je vais copier ce texte dans mon blogue. Je le néglige un peu… mes rares membres aussi. Je le censurerai quand même… pour préserver le droit à la protection de la vie privée des gens de qui je parle.
Bonne journée chère amie, mes bons sentiments t’accompagnent.
Danielle